Si vous êtes parent de jeunes ou d’adolescents, il est possible que vous vous questionnez déjà sur la meilleure façon d’avoir la Grande Discussion avec ceux-ci. Inutile de penser aux fleurs et aux abeilles; je parle bien sûr d’aborder la question de l’utilisation des médias sociaux avec vos enfants. C’est une large question, mais l’un des aspects majeurs de celle-ci est de conscientiser tous les membres de votre famille aux risques découlant du réseautage.
La première étape est d’abord de vous assurer d’être au fait des plateformes utilisées par ceux-ci et leurs amis. Vous devez connaître les rudiments de celles-ci, afin de pouvoir en connaître les caractéristiques, les limites et les risques. Vous utilisez probablement les médias sociaux dans votre vie courante. Peut-être utilisez-vous par exemple Facebook ou LinkedIn (et mettez déjà en pratique nos conseils en matière de cybersécurité!). Mais maîtrisez-vous les plateformes que vos enfants utilisent ou songent à utiliser?
Un sondage effectué en 2018 par le PEW Research Center indique que YouTube, Instagram et Snapchat sont les plateformes de médias sociaux les plus populaires chez les adolescents, tant en terme de pourcentage d’utilisateur que de plateforme la plus fréquemment utilisée par les répondants. Évidemment, la technologie évolue rapidement. Inutile de démultiplier votre présence numérique simplement pour être in aux yeux de votre progéniture, d’autant que de nouveaux réseaux apparaissent régulièrement. Ainsi, nous vous suggérons de consulter des ressources sur les plateformes courantes que vous ne maîtrisez que peu ou pas. Plusieurs ressources en ligne sont disponibles pour vous aider à démystifier les plateformes de médias sociaux utilisés par les jeunes.
Plateforme | Icone de l’app | Âge minimal requis | Caractéristique et utilisation principale | Url |
---|---|---|---|---|
Plateforme de réseautage multimédia, pour échange entre « amis » | https://www.facebook.com/ | |||
Plateforme, pour l’envoi de photos | https://www.instagram.com/ | |||
Messenger | Messagerie privée de Facebook | Via Facebook ou l’application mobile | ||
Periscope | Retransmission vidéo en direct | https://www.pscp.tv/ | ||
Plateforme d’image, notamment utilisée pour des conseils mode et design | https://www.pinterest.fr/ | |||
Plateforme de diffusion de contenus multimédias regroupant les utilisateurs par communautés d’intérêt | https://www.reddit.com/ | |||
Snapchat | Partage de contenus qui « s’effacent » après 10 secondes | https://www.snapchat.com (surtout utilisé via l’application mobile) | ||
Tumblr | Plateforme de microblogging multimédia et de réseautage | https://www.tumblr.com/ | ||
Échange de message d’un maximum de 280 caractères | https://twitter.com/ | |||
Service de messagerie privée et de VoIP (Voice-over IP) | https://www.whatsapp.com/ (requiert l’application mobile) | |||
YouTube | Plateforme de diffusion de vidéos | https://www.youtube.com/ |
Résumé de certaines des plateformes les plus utilisées
Vous pouvez – et devriez – prendre plusieurs mesures pour assurer la sécurité de votre famille sur les médias sociaux. Plusieurs d’entre elles ont été abordé régulièrement dans ce blogue, par exemple le maintien d’une bonne hygiène de mots ou phrases de passe.
Les menaces sont réelles
Si plusieurs mythes sont très tenaces quant aux risques courus par les jeunes sur les réseaux sociaux, plusieurs types de menaces peuvent potentiellement affecter vos enfants, ou n’importe quel autre usager. Cependant, quand on parle des adolescents (ou des préados), on peut regrouper trois types de risques auxquels les jeunes sont particulièrement susceptibles d’être confrontés sur les médias sociaux :
- Les arnaques
- Le leurre d’enfants
- La cyberintimidation
Les arnaques sur les médias sociaux
Les cybercriminels ciblent non seulement les adultes, mais aussi les plus jeunes, afin d’obtenir leurs informations personnelles ou de leur soutirer un quelconque avantage.
Par exemple, certains arnaqueurs ciblent les adolescents, en leur faisant miroiter un gain monétaire. Récemment, des adolescents ont été sollicités sur les médias sociaux pour déposer un chèque de 1500$ US pour un court moment dans leur compte, en échange de 100$ US. Au moins une victime a contacté la police, après avoir été extorqué de 1500$, en plus de ses informations bancaires. Des arnaqueurs ont aussi utilisé Twitter dans une arnaque visant à faire payer des billets pour le spectacle de DJ Marshmello sur Fortnite, alors que cette prestation en ligne était gratuite.
D’autres cybercriminels peuvent utiliser l’hameçonnage afin d’obtenir des informations personnelles sur les victimes, par exemple, leurs identifiants sur Instagram. Des publications populaires et des quiz en ligne peuvent aussi permettre à des hackers malveillants d’obtenir les informations de récupération de compte de nombreux utilisateurs. Enfin, certains cybercriminels copient les informations d’une personne, par exemple son nom, sa ville de provenance, ses photos et sa liste d’amis publique, et créent un nouveau profil en se faisant passer pour cette personne. Ainsi, ils peuvent obtenir davantage d’informations personnelles de la part des amis de celle-ci. C’est ce qu’on appelle le clone Facebook (bien que cette arnaque puisse être observée sur d’autres plateformes).
Le leurre d’enfants
L’utilisation de faux profils est aussi une méthode de prédilection utilisée par les cyberprédateurs qui cherchent à commettre un leurre d’enfants. Le leurre d’enfants est un crime où un adulte utilise les télécommunications dans le but de poser des gestes de nature sexuelle avec des mineurs. Parfois, le cybercriminel peut se faire passer pour un autre jeune ou pour un photographe par le biais d’un faux profil, afin d’inciter les victimes à lui faire confiance et développer un lien virtuel. Par la suite, le criminel utilise le lien de confiance établi pour inciter les victimes à lui fournir des images à caractère sexuel ou à le rencontrer physiquement. Fait étonnant, selon une étude, seulement 5% des cyberprédateurs prétendent être eux-aussi mineurs auprès de leurs victimes. Ceci dit, plusieurs d’entre eux reconnaissent avoir menti à propos de leur âge ou leurs motivations pour contacter les jeunes.
Ce type de menace connaît une hausse de popularité importante avec l’avènement des médias sociaux. En effet, il est aujourd’hui plus simple que jamais de créer un faux profil. Il m’a suffi d’une vingtaine de minutes et de quelques photos trouvées en ligne gratuitement et sans royautés pour créer un faux compte Instagram, me faire passer pour une ado de 15 ans et commencer à jaser maquillage avec « d’autres » jeunes. Avec la géolocalisation, j’aurais pu me concentrer sur des adolescentes de la région de mon choix, amorcer une discussion privée avec elles sur Instagram Direct, ou sur n’importe quelle autre plateforme. On a ici affaire à un type d’ingénierie sociale, aux conséquences particulièrement funestes, mais des plus faciles à implanter.
Comme dans le mode physique, il convient de rappeler aux jeunes de se méfier ici des risques liés à faire confiance à des personnes inconnues. Les médias sociaux peuvent générer une impression de proximité tout en permettant le maintien de l’anonymat ou d’une fausse identité. Ceci représente un cocktail particulièrement explosif. La sagesse populaire, qui nous invite à rappeler aux jeunes l’importance de ne pas faire confiance aveuglément à des personnes inconnues, y compris sur les médias sociaux, demeure d’actualité.
La cyberintimidation
La cyberintimidation est un terme parapluie regroupant un ensemble de types d’abus en ligne. On y inclut notamment le harcèlement, l’intimidation, les attaques contre la réputation (par exemple, avec de faux profils ou la diffusion de fausses rumeurs), la sextorsion et la vengeance pornographique (revenge porn). Les cyberintimidateurs utilisent n’importe quel type d’appareil ayant accès à Internet ou aux médias sociaux pour harceler, traquer ou maltraiter une autre personne. C’est une menace malheureusement très répandue. En effet, selon le Cyberbullying Research Center, environ la moitié des jeunes auraient été victimes de cyberintimidation sous une forme ou une autre, et entre 10 % et 20 % d’entre eux en subissent régulièrement.
Discuter avec vos enfants
Après avoir lu ceci, vous avez peut-être envie de mettre l’ensemble des tablettes, téléphones et ordinateurs de votre famille dans un coffre et de jeter la clé à la mer. Mais rassurez-vous; vous disposez de plusieurs outils pour aider vos enfants à rester en sécurité sur les médias sociaux. Tout d’abord, en discutant franchement avec eux. Face aux risques que l’ingénierie sociale fait reposer sur le respect de votre vie privée ainsi que sur la sécurité de votre famille, une des étapes les plus importantes que vous pouvez faire dès aujourd’hui est d’amorcer une discussion avec vos enfants sur leur utilisation des médias sociaux. Informez-vous des plateformes qu’ils utilisent, et des activités qu’ils y font.
Par exemple, utilisent-ils Facebook pour discuter uniquement avec amis et famille? Quel type de contenu aiment-ils partager sur Snapchat ou Instagram? Utilisent-ils des outils de messagerie privée ou des sites ou applis de clavardage (chat)? Lesquels? Quels outils des plateformes de réseautage utilisent-il? N’oubliez pas que certains réseaux sociaux exigent l’atteinte d’un âge minimum pour la création d’un profil, et que certains contenus ou actions proposées sur ces plateformes pourraient ne pas être appropriés pour les plus jeunes.
Essayez d’établir un véritable dialogue dans un climat de confiance. Selon les applis qu’ils utilisent, vous pourriez aborder certains des risques spécifiques qui y sont associés. Par exemple, malgré l’aura d’anonymat qui l’entoure, plusieurs incidents ont montré par le passé que les messages et profils Snapchat ne sont pas à l’abris des cybercriminels. Bien connaître et superviser adéquatement les activités en ligne de vos enfants peut aussi vous aider à déceler les signes de problèmes que ceux-ci pourraient rencontrer.
L’objectif n’est pas de faire peur aux jeunes ou de les empêcher d’utiliser les médias sociaux, mais plutôt, de les aider à développer leur esprit critique et leurs réflexes en matière de cybersécurité selon leur âge et leurs habiletés. L’autonomie et la vigilance d’un ado de 13 ans qui n’a jamais utilisé les médias sociaux sont très différentes de celles d’un jeune de 17 ans ayant appris et acquis les principes de sécurité sur les réseaux sociaux depuis des années avec ses parents. Et qui sait, en encadrant et en soutenant vos jeunes dans cet apprentissage, peut-être auront-ils la piqure pour la cybersécurité!
L’âge
Cette discussion constitue aussi une bonne occasion pour discuter de règles à établir sur l’utilisation des médias sociaux et sur l’encadrement que vous voudrez exercer, selon l’âge et la réalité de vos jeunes.
Certaines juridictions peuvent exiger un âge minimal plus élevé pour créer un compte. Par exemple, l’âge de la majorité numérique en France est fixé à 15 ans, alors qu’il faut être âgé de 16 ans pour utiliser WhatsApp et Tumblr dans les pays de l’UE. Aucune loi ne limite l’âge d’utilisation de ces plateformes au Québec ou au niveau fédéral, mais les directives du Commissaire à la vie privée incluent des recommandations similaires aux lois en vigueur aux États-Unis (COPPA), sur lesquelles reposent la limite de 13 ans imposées par la plupart des plateformes. Vous pouvez vous informez auprès de votre législateur.
Notez aussi que certaines fonctionnalités de ces plateformes peuvent être réservées aux personnes majeures. Par exemple, certaines vidéos sur YouTube ne sont accessibles qu’aux personnes âgées de 18 ans et plus.
Évidemment, l’attrait envers les médias sociaux se fait sentir bien avant 13 ans. Il est possible que vos enfants utilisent déjà certaines plateformes en contournant les restriction d’âge (dont les processus de validation sont généralement basés sur la date indiquée volontairement par l’utilisateur). Dans la prochaine partie de cet article, nous aborderons quelques-unes de ces plateformes conçues spécifiquement pour les enfants et les préadolescents.
Prêcher par l’exemple
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, vous voudrez certainement sensibiliser vos jeunes à éviter de partager des informations sensibles ou personnelles sur les médias sociaux. Peut-être même allez-vous vous entendre avec eux pour établir un code de conduite et des règles à suivre, afin d’assurer leur sécurité et celle de toute la famille. Mais les enfants apprennent aussi par l’exemple. Prenez le temps de réfléchir à vos propres habitudes sur les médias sociaux.
Vous connaissez certainement des parents qui ont pris l’habitude, depuis des années, de partager sur les médias sociaux les faits et gestes de leur progéniture, détaillant publiquement chaque étape de la vie de ceux-ci avec nombre de détails et de photos plus ou moins flatteuses. Pas vous, bien sûr, mais d’autres parents dans votre entourage le font peut-être. Ce phénomène est assez répandu, au point où une expression lui a été consacré dans la langue de Shakespeare : « sharents », (contraction de share et parents). Je propose en français « parentageurs ».
Évidemment, votre rôle de parent est une part importante de votre identité, et les communautés de parents sur les médias sociaux peuvent souvent être d’un grand secours. Sans oublier que les réseaux sociaux sont un moyen simple et efficace d’échanger des nouvelles avec des proches habitant à l’extérieur. Il n’est pas question d’effacer ce pan de votre vie sur les médias sociaux. Mais par souci de transparence, vous devriez mettre en œuvre les conseils que vous prodiguez à vos enfants sur le partage excessif d'informations. D’ailleurs, un bon exercice pour développer l’esprit critique et les bons réflexes de vos jeunes sur les médias sociaux tout en poursuivant la discussion ouverte à ce sujet pourrait être de passer en revue votre fil d’actualité, vos albums et vos publications passées, et déterminer avec vos enfants si vous devriez retirer certaines photos ou publications à leur endroit.
Et les achats?
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une menace à la sécurité ou de question juridique. Mais gardez en tête que plusieurs applications offrent des fonctionnalités gratuites, et d’autres payantes. Vous ne voudriez pas vous retrouver avec des factures d’achats inusités sur votre compte PayPal ou votre carte de crédit. Si vous avez déjà sauvegardé une méthode de payement sur un profil lié à votre appareil (pour effectuer des achats sur le Google Play Store ou l’App Store par exemple), rappelez-vous qu’il est possible que vos enfants effectuent des achats sur ces applications. Vous voudrez certainement discuter avec eux de l’importance d’obtenir votre accord avant d’acheter quoique ce soit, même quand le montant peut sembler dérisoire, ainsi que de l’importance de toujours vérifier et lire attentivement les détails avant de cliquer sur un bouton qui semble attrayant.
Conclusion
Évidemment, et les lecteurs habituels de ce blogue le savent, ces mesures ne constituent qu’un pas de plus pour améliorer votre sécurité et celles de votre famille. D’autres types de mesures plus poussées pour accroitre la sécurité de votre famille sur les médias sociaux, par exemple l’authentification à deux facteurs, la gestion de la géolocalisation et des paramètres de confidentialité, seront abordés dans la prochaine partie de cet article, qui sera publiée vendredi prochain.
Je préfère penser la sécurité informatique comme un marathon, plutôt que comme un sprint. Il ne suffira pas d’avoir un seul échange avec votre famille sur la cybersécurité sur les réseaux sociaux, pour vous protéger de tous les risques. Un processus et des habitudes à prendre à long terme sont plus à même de vous protéger efficacement. En effet, puisque de nouvelles menaces ou de nouveaux outils émergent régulièrement, il vaut mieux vous tenir informés (l’infolettre de WeLiveSecurity… En français peut vous y aider) et continuer à adapter vos pratiques et celles de votre entourage.
Quelques ressources
Voici quelques ressources complémentaires qui pourraient vous aider :
https://www.saferkidsonline.info
https://www.netsmartz.org/SocialMedia
http://www.internetsanscrainte.fr/
https://parentscyberavertis.ca/app/fr/
https://www.pensezcybersecurite.gc.ca/cnt/prtct-yrslf/prtctn-fml/scl-ntwrk-fr.aspx